Costume de Mellionnec au Musée d'Art et d'Histoire de Saint-Brieuc

En 2008, le Musée d'Art et d'Histoire de Saint-Brieuc décide de rénover leur exposition permanente dédiée au costume breton.

Pour l'une de ses vitrines, le musée disposait d'un costume de cérémonie de la commune de MELLIONNEC portée lors d'un mariage en 1928.

MELLIONNEC est une petite commune au sud-ouest du département des Côtes d'Armor avec une population ne dépassant guère les 400 habitants.

Avant de faire partie du département des Côtes du Nord en 1790, cette commune était une ancienne paroisse du diocèse de Vannes et dépendait de l'évêché de Vannes et le seigneur de la paroisse était sous l'ancien régime le seigneur de Guéméné-sur-Scorff en pays pourlet.

Nous savions par ailleurs que les femmes de la commune de MELLIONNEC, bien que située dans les Côtes du Nord (aujourd'hui Côtes d'Armor), avaient porté le costume à la mode du pays pourlet dans le département du Morbihan.

La première étape fut de centraliser les informations existantes sur la mode pourlet au cours du 20ème siècle.

D'où vient d'ailleurs ce nom de pourlet, sûrement encore un sobriquet issu d'une particularité de la coiffe de ce pays, et parait-il du revers en forme de bourrelet au capuchon de la coiffe de travail.

Les modes au fil du temps

Un tri de photos de mariages du premier tiers du 20ème siècle permet de repérer les constantes de ce costume féminin à la mode pourlet, autour de de Guéméné sur Scorff.

Ce costume traditionnel comprend:

- Un corsage et une jupe en drap fin de laine noire.
Le velours recouvre maintenant le corsage, son plastron, son tour de cou et une partie de ses manches, mais aussi le bas de la jupe.
La mode masculine des "mille boutons" a été adopté par les femmes et deux rangées de boutons en cuivre ou en alliage s'alignent en décor en haut du corsage en bordure du corselet.
Des manchettes rapportées sortent du bas des larges manches qui s'arrêtent à mi avant-bras.

- Un corselet porté sur le corsage.
Il est totalement recouvert de multiples empiècements de velours noir.
Il est resserré sur le devant par un laçage croisé qui est caché par la piécette du tablier.

- Le tablier en beau tissu et parfois en soie aux couleurs vives avec une piécette qui s'épingle sur le corselet.

Voici ci-contre un couple de mariés du pays pourlet vers 1910.

Les modes au fil du temps

L'autre élément important de ce costume est la coiffe du pays pourlet:

La coiffe brodée en dentelles est montée sur un bonnet ou sous-coiffe de toile fine entouré d'un large ruban de satin souvent de la même couleur que celle du tablier.

Ce bonnet est maintenue par deux brides ou lacets brodées passant sous le menton et qui se nouent latéralement, de manière constante sur la joue gauche.

La coiffe proprement dite est épinglée sur ce bonnet et dispose à l'arrière de deux ailes très amidonnées et rigidifiées par des brins de paille. Ces ailes rejetées à l'arrière sont ensuite repliées à leurs extrémités.

En évoluant, la coiffe va diminuer en taille tout au long de la première moitié du 20ème siècle et prendre un axe plus relevé à l'arrière et les deux ailes vont former comme les bras d'une brouette, d'où le sobriquet de "brouette" donné à cette coiffe par les gens des communes voisines.

Voici deux jeunes femmes de SEGLIEN (Nord du pays Pourlet) vers 1918-1919

Les modes au fil du temps

La deuxième étape fut de rechercher les personnes susceptibles sur la commune de MELLIONNEC d'avoir porté ou vu porté le costume traditionnel et de collecter des informations fiables sur le port de ce costume entre 1920 et 1940, en recherchant les éventuelles particularités dans ce secteur nord de la mode pourlet.

On nous avait en effet parlé d'un positionnement différent des ailes de la coiffe.

Les bonnes volontés permirent l'organisation d'une réunion de travail chez un melionnecaise et autour de la table trois dames d'age respectable nous ont apporté l'une une photo de mariage vers 1932, l'autre une coiffe de mariage de sa famille, et l'autre encore ses témoignages de coiffure de sa mère et de montage de la coiffe.

Les modes au fil du temps

Voici la photo de mariage d'une famille de Mellionnec en 1932.

L'examen de cette photo permet de noter quelques particularités:

le corsage dispose de manches dites pagodes, à la mode depuis le début du 20ème siècle.

Le velours noir a envahi les 3/4 des manches de ce corsage et des broderies de perlage apparait sur le haut des manches de même qu'un tour de cou en strass.

La mode des guirlandes de fleurs d'oranger est à son paroxisme.

De même, la mode des diadèmes et des coiffures gonflantes et à accroche-coeurs décale le positionnement de la coiffe, quasiment invisible sur cette photo.

Un examen d'autres photos du pays pourlet permet toutefois de vérifier que ces particularismes sont constants sur tout le terroir, ce qui confirme le phénomène de conscience de groupe se traduisant par le port d'un type uniforme de vêtement, un uniforme de groupe.

Les modes au fil du temps

Pour faciliter le dialogue, nous avions apporté la coiffe du musée de Saint-Brieuc
que Réjane avait lavé, réparé et amidonné.

Une comparaison critique confirmait que la coiffe du musée daté de 1928 était en tout point conforme à celle de la famille de notre mellionnecaise et que le mode de pliage des extrémités des ailes était identique.

Il était maintenant temps de positionner cette coiffe sur le mannequin couture du musée.

Au préalable, il convenait de réaliser le mieux possible une chevelure à crans avec des cheveux artificiels et rebelles

Les deux photographies ci-dessous détaillent bien le positionnement de cette coiffe avec le pliage caractéristique des extrémités d'ailes et la technique de montage du noeud latéral des brides de la sous-coiffe.

Les modes au fil du temps
Les modes au fil du temps
Les modes au fil du temps

Une fois adapté le mannequin couture à la taille du costume détenu par le musée, il convenait de remettre en état le dit costume.

Quelques petites réparations de couture étaient nécessaires sur le corselet et le tablier.

Un repassage soigné de l'ensemble s'imposait.

Vous constaterez la présence de broderies de perles sur les manches du corsage et le fait que le velours a totalement envahi ces manches, comme il était de mise en pays cornouaillais et le fait que le tablier était brodé de motifs dit "Richelieu" comme il était de mode en pays vannetais.

Un brassage des modes était en train de s'opérer dans ces années 20 notamment par l'amélioration du train de vie des paysans et par l'accès plus aisé aux nouvelles matières et aux clinquants de toutes sortes.

La confection de manchettes fut rendue possible par le présence d'une réserve au musée de dentelles issues d'un fond de mercerie du Faouet, en pays pourlet.

Le mannequin costumé et coiffé pouvait donc être positionné dans sa vitrine où il est visible dans la galerie permanente du 2ème étage du Musée d'Art et d'Histoire de Saint-Brieuc.

(Collection du Musée d'Art et d'Histoire de Saint-Brieuc)

Rédacteur Daniel Labbé: Janvier 2009